"Comme chaque année, je me suis rendu au monument aux morts de ma ville. Comme chaque année, on y lit le discours national du ministre des Anciens combattants du moment qui depuis est chargé de la Mémoire.
Or le discours est cocardier et inapproprié pour des territoires qui, le 11 novembre 1918, étaient encore des territoires allemands. « Derrière le tricolore aux fenêtres et les Marseillaises triomphantes… », a-t-on pu entendre 103 ans après les faits. Or, ce 11 novembre 1918, s’il y a bien eu « allégresse » que cesse la guerre, les drapeaux tricolores et les Marseillaises ne sont apparus qu’à partir du 17 novembre 1918 sur le sol mosellan, lorsque les troupes françaises sont entrées dans les territoires recouvrés, et ce de façon bien orchestrée par la France revancharde. L’accueil triomphal des troupes françaises a servi d’alibi au président Poincaré pour ne pas organiser un plébiscite dont le résultat pour un retour à la France n’était pas garanti.
Le 11 novembre 1918, les territoires annexés de droit et abandonnés par la France en 1871 sont bien un territoire allemand et ce jusqu’au 28 juin 1919 et la signature du Traité de Versailles qui considère rétroactivement que ces territoires sont redevenus français à compter de la signature de l’armistice.
Le 11 novembre 1918, les 230 000 citoyens allemands du Reichsland Elsass-Lotrhringen qui ont dû combattre légitimement sous uniforme allemand étaient bien du côté des vaincus. Ils ne « se sont pas battus pour la France entre 1914 et 1918 » parce qu’ils étaient allemands.
Aussi, généralement en Alsace-Moselle, leurs « noms ne sont pas gravés sur les monuments aux morts ». Entre les deux guerres, lorsque le monument aux morts est devenu la règle dans toutes les communes de France, ceux des territoires recouvrés ont, en général, inscrits « A nos morts » puisque les soldats de la Grande Guerre de ces territoires ne sont pas « morts pour la France ». Le statuaire, à l’exception d’ Ottange, Richemont, Maizières-lès-Metz et Metz, ne fait aucune référence au Poilu bleu horizon.
Dans une France uniformisante avec la volonté d’écrire une Histoire nationale, il n’est pas de bon temps de rappeler cette vérité historique contraire à une construction mémorielle inadéquate pour l’Alsace-Moselle.
A quand une adaptation du discours officiel aux réalités de nos territoires ? »