mercredi 19 avril 2017

Rencontre d'un migrant au Bitcherland


Photo J.A.S.

Le Noël 2016 a sûrement été plus beau que celui de 2015 au milieu de la jungle de Calais


Depuis deux mois, Rami Tahmas, 25 ans, originaire du Kurdistan en Irak,  réside dans une famille d’accueil à Volmunster. Il quitte son pays en avion en novembre 2015 pour atterrir à Istanbul. Il renvoie ses papiers d’identité à la maison, de peur que la police les confisque. De Turquie, il passe clandestinement dans plusieurs pays (Macédoine, Servie, Bosnie, Slovénie, Croatie, Autriche, Allemagne) avant d’arriver en France. Après huit jours de voyage, il arrive à Calais, mais ne peut rejoindre l’Angleterre où réside son oncle. A partir de la Macédoine, c’est une ONG qui s’occupe de lui. Grâce aux démarches de la famille d’accueil Rami a obtenu un titre officiel de demandeur d'asile par la préfecture de Metz en attendant sa convocation à l'OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) à Paris. Il souhaite obtenir une autorisation de séjour en France pour avoir la possibilité de faire des démarches de recherche d'emploi. Nous l’avons rencontré dans la famille d’accueil où il apprend la langue française.

Interview

- Pourquoi avez-vous quitté votre pays?

En tant que militaire j’ai contribué à l'arrestation d'un membre de Daesh, mais j’ai   été identifié par d'autres membres de cette organisation, qui après cet événement m’ont    "passé à tabac" et m’ont fait subir de nombreuses représailles et menaces. Le 8 août 2015 ma mère a été tuée devant sa maison, une voiture l'a délibérément percutée. N’ayant pu obtenir de protection particulière de la part de mes supérieurs. C'est en accord avec mon père, et pour ne pas mettre ma famille plus en danger, que j’ ai décidé de quitter le Kurdistan et tenté de rejoindre mon oncle en Angleterre. C'est une question de survie pour moi. Je suis t parti le coeur lourd, ce fut un grand déchirement et un grand pas vers l'inconnu, une  rupture totale avec ma vie d'avant.

- Comment cela s’est passé à Calais?

  • Les choses se sont avérées extrêmement plus difficiles et je me suis rapidement retrouvé dans la jungle de Calais, avec de nombreux autres réfugiés, dont certains sont devenus des amis. Après quelques tentatives de passage, j'ai décidé de renoncer à ce projet. Je me suis rapproché de l'école laïque du chemin des dunes où j'ai travaillé bénévolement pendant plus de six mois et où j'ai fait la connaissance de plusieurs amis français. 

  • Comment êtes vous arrivé à Volmunster?

- C'est grâce à une enseignante d’origine mosellane que j'ai rencontré la famille qui m'accueille actuellement à son domicile, à Volmunster depuis déjà deux mois. Ma famille d'accueil m'aide dans mes démarches administratives. D’ailleurs,  je souhaite obtenir une autorisation de séjour en France et ainsi avoir la possibilité de faire des démarches de recherche d'emploi.


  • Que faites vous en attendant?

- Dans cette attente, j'occupe mon temps à découvrir la culture et la langue du pays qui m'apporte la protection. Je me suis inscrit dans le club de foot local, j'apprécie les longues marches dans la nature paisible qui m'entoure. J'apprécie tout autant de découvrir les villes comme Bitche, Sarreguemines, Metz et surtout Strasbourg. Je découvre les marchés de Noël, splendides, colorés, typiques et pleins de lumières, j'adore déguster le vin chaud et les pains d'épices. J'entretiens le contact avec mes amis de Calais. J'apporte également mon aide au  restaurant du coeur de Bitche.

  • Comptez-vous rester en France?

- J'ai la volonté de construire ma vie en France. Je suis persuadé d'avoir la capacité de m'intégrer rapidement dans la société française pour y mener une vie à l'abri des persécutions et des menaces pour peu que les personnes que je rencontre soient accueillantes et m'accordent leur confiance. Malgré les nombreuses difficultés qui se présentent à moi, je garde l'espoir et souhaite construire ma vie en France, je pense avoir la capacité de m'intégrer rapidement dans le respect des valeurs occidentales.    J’apprécie la culture française et souhaite avant tout pouvoir travailler pour vivre ma vie dans l'indépendance, le calme et à l'abri des menaces. 
Je propose également, dans la mesure du possible, d'apporter mon aide et mon expérience à la France pour combattre la radicalisation et les mouvements intégristes.


  • Comptez-vous retourner en Irak?

- Evidemment, car ma famille me manque et je souhaite me  rendre dans mon pays pour la revoir un jour, mais je ne pense pas pouvoir y retourner définitivement, les dangers de la guerre semblent bien s'installer pour durer.


Joseph Antoine Sprunck