mardi 6 mai 2025

De la musique dans le camp de Sachsenhausen

 


Années 1940, Allemagne. Au camp de Sachsenhausen, un groupe de détenus balaie la cour centrale. En apparence, ils semblent effectuer leur corvée avec résignation. Mais dans le dos des gardiens, deux d’entre eux se rapprochent en silence. Puis, discrètement, l’un se penche pour murmurer quelque chose à l’oreille de l’autre. Seraient-ils en train de monter un plan pour s’échapper ?
Pas tout à fait… L’homme qui écoute, c’est Aleksander Kulisiewicz, un chanteur et musicien polonais de 22 ans qui s’est retrouvé au camp pour dissidence politique. Et ce dernier a une particularité : il est doté d’une mémoire hors norme!  

 


 Des prisonniers de Sachsenhausen en Allemagne prenant un repas dans le réfectoire du camp, 1939-1949, Musée du Mémorial de l'Holocauste, États-Unis


 
AleksanderKulisiewicz sur scène en Europe de l’Ouest, vers 1970. Photo : Collection personnelle Makana Eyre, DR

 Or, ce don, il s’en sert tous les jours à Sachsenhausen. Porté par son amour de la musique rom et des divertissements folkloriques, il se regroupe en secret avec d’autres détenus pour leur chanter les chansons qu’il a emmagasinées dans sa mémoire. Il remonte alors un peu le moral de ses camarades et leur fait oublier la faim durant quelques instants.


Rapidement, le mot se passe et les prisonniers se mettent à lui confier des poèmes et des mélodies pour qu’il les intègre à ses chants, y compris durant les corvées. Aleksander Kulisiewicz s’en fait même une mission : il doit absolument retenir ces chants qui racontent la douleur des camps pour pouvoir les clamer au monde entier, s’il sort un jour de là.
Et c’est ce qui arrive ! En 1945, Kulisiewicz est enfin libéré. Après plusieurs semaines de convalescence, il met son plan à exécution. Il produit chansons, concerts et articles sur la musique des camps, et en regroupe même une partie dans un album : "Songs from the depths of Hell" (Chants des profondeurs de l’Enfer).

Avec ce travail de mémoire, Kulisiewicz réussit donc à rendre hommage aux victimes de la barbarie nazie et à faire entendre leur voix, même 80 ans plus tard.