Le simple nom de "Moselle" nage dans le grand bocal "Alsacien-Lorrain", comme une queue de cerise oubliée dans l'eau de vie.
En 1945, à la différence de l’Alsace, dont les deux départements, de culture alémanique, n’avaient pas à se cacher derrière leur langage pour jauger leur patriotisme, la Moselle ne pouvait que se sentir mal à l’aise, entre ses Mosellans francophones au sud-ouest et ses Mosellans germanophones au nord-est. Certes, le troupeau hexagonal des ignorants continua de mettre tous les “Boches de l’Est” dans le même sac.
Mais ce vieux cliché imbécile allait devenir très malsain, sous l’effet pervers de la nazification.
En 1945, il fut certes plus facile à un Mosellan francophone de Metz ou de Château-Salins de se refaire un profil de Français retrouvant ses racines qu’à un Mosellan germanophone de Metzervisse ou de Grosbliederstroff . Ce qui n’empêcha pas le dit Messin francophone de se faire traiter de Boche à Nancy. Ce triste folklore humilia particulièrement la population germanophone.
Toute compréhension de l’humiliation mosellane après 1945 doit passer, à notre avis, par cette grille de lecture. Ces Mosellans de langue dite francique, que ce dernier soit luxembourgeois, mosellan ou rhénan, sans oublier, tout à l’Est, ceux du Bitcherland dont le parler montre des influences alémaniques, sont les seuls qui n’aborderont jamais un débat profond sur les ambiguïtés de l’annexion, car ils savent qu’ils seront toujours perdants à la loterie de l’image. Catalogués sans la moindre porte de sortie, ils sont ficelés au plus cruel de l’humiliation mosellane. Ils restent des complexés parmi les inhibés, tout au bout de la chaîne. S’il existait en mai 40 à l’arrivée des Panzers plusieurs façons de choisir entre la peste et le choléra, ces frontaliers du nord-est, du fait de leur tradition germanique, étaient de toute façon déjà piégés. On les avait conviés fermement à rester, puisqu’ils étaient dorénavant considérés comme Allemands ! Mais en 1945, il leur faudrait prouver qu’ils ne l’avaient jamais été…
J.G.