dimanche 20 octobre 2024

Ceux qui ne parlaient que le Platt n'avaient pas de complexe d’infériorité

 

Photo JAS


On imagine l’effet produit en Moselle frontalière par ces assimilations méprisantes. Un professeur de français de Bouzonville m’a dit en 1998 ce qu’il en pensait.Je ne crois pas, commençait-il, que mes parents avaient un complexe d’infériorité. Ils étaient attachés à la culture germanique et n’en avaient aucune honte. Il faut connaître la mentalité des Mosellans du peuple, sur la frontière. De milieu paysan-ouvrier, ils ont gardé le goût des grandes réunions familiales, les veillées, les fêtes religieuses, tous ces moments collectifs où s’exprime notre état d’âme.” “On est bien ensemble, on n’a pas besoin de parler. On est entre nous, gens de parole, gens de foi, je parle d’une foi vue comme un folklore au sens noble du terme, et qui fait partie de notre “Gemutlichkeit”, gens du travail bien fait, gens de l’exactitude. Même aujourd’hui, quand je passe l’été dans la forêt devant la statue de Saint-Wendelin, je sais que je vais y trouver des fleurs et des bougies allumées. J’ajoute une fleur.” “Mes parents, poursuit-il, n’avaient pas de complexes mais moi j’en ai eu dès que j’ai attrapé douze ans. Quand nous allions à Metz, dans les années soixante, j’avais honte de ma mère quand elle parlait avec son accent dans un magasin de la rue Serpenoise. Une fois, toujours à Metz, alors que j’étais assis avec eux dans un café, j’ai senti le regard des gens d’à côté. Mon père parlait et j’ai rougi.
J.G.