On a décidé, à trois copains, de rentrer à pied, avec nos lettres PW dans le dos. Mais à mesure que nous remontions, nous étions de moins en moins suspectés... Tout le canton savait qu’on arrivait. A Sarre-Union, les gens s’approchaient: “D’où venez-vous ?” Ils nous attendaient avec des photos de disparus. Même accueil à Lorentzen, puis à Rahling. Nous n’avions plus à nous justifier. Ces gens étaient des nôtres... On nous invitait à manger dans toutes les maisons. Avait-il pardonné depuis ? “Disons, répondait-il, que j’ai exorcisé ma rage en 1970, quand j’ai commencé à écrire mes mémoires. Ma femme, s’inquiétait souvent: “Fais-le, puisque tu y penses encore !” J’ai rédigé six cahiers manuscrits, un quart de siècle après les évènements. Je ne pouvais plus m’arrêter. Mon frère était d’accord. “Nicolas, toi, tu as tout vécu, les Charentes en 39, la guerre en 40, la Russie en 43 et les
“Fléchards”en 45...
Il faut que tu racontes la vérité, puisque personne n’a envie de le faire. Ou alors, s’ils le font, ils gardent ça dans leurs tiroirs. Il faut que tu leur dises une bonne fois pour toutes : “ Voilà le genre de boche que j’étais !”
Intervention de Jacques Gandeboeuf, écrivain à la Journée du Patrimoine,
organisée par le Conseil Général
– Montigny-lès-Metz novembre 2007 –