lundi 5 août 2024

JO 2024 : olympisme et religions, un même rêve de fraternité

  
 

À l’occasion des Jeux olympiques de Paris s’est déroulée, dimanche 4 août, sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame, une rencontre interreligieuse voulue par le président du Comité international olympique. Un événement qui illustre la place particulière laissée aux religions par l’olympisme, depuis la rénovation des Jeux.

Dans le cadre du festival Holy Games, une rencontre interreligieuse s’est tenue sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dimanche 4 aout 2024. CORINNE SIMON  / HANS LUCAS 

 



Face au drapeau olympique se pressent et se saluent des hommes en col romain, d’autres portant une kippa, une chéchia, ou la robe des lamas bouddhistes, avant de s’asseoir sur un gradin. Au matin du dimanche 4 août, juste devant l’imposante silhouette de la cathédrale Notre-Dame de Paris, s’est tenue une rencontre inhabituelle entre sport et religions.



Alors que les Jeux de Paris vibrent à plein régime, les représentants des cinq religions présentes au centre multiconfessionnel du village olympique se sont retrouvés pour un temps interreligieux organisé par Holy Games, le projet de mobilisation de l’Église catholique pour les Jeux olympiques et paralympiques. Fait surprenant, c’est bien Thomas Bach, le président du Comité international olympique (CIO), qui a souhaité cette cérémonie, illustrant la place particulière laissée aux religions par le CIO, et cela depuis le début des Jeux olympiques modernes.


Valeurs communes


Sur le parvis de Notre-Dame, le président du CIO a été le premier à prendre la parole, soulignant le projet de paix commun partagé par l’olympisme et les religions devant une centaine de personnes, dont la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, la maire de Paris, Anne Hidalgo et le président du Comité d’organisation des Jeux, Tony Estanguet. « La foi et le sport sont complémentaires », a affirmé Thomas Bach, et « partagent beaucoup de valeurs communes qui nous guident pour vivre ensemble en paix avec nos semblables ».


Les aumôniers dans les « starting-blocks » pour accompagner les athlètes

Les représentants des cultes lui ont succédé à la tribune, dont Haïm Korsia, grand rabbin de France, Mgr Philippe Marsset, évêque auxiliaire de Paris, Najat Benali, présidente des Associations des mosquées de Paris, mais aussi Christian Krieger, président de la Fédération protestante de France, ou encore des représentants orthodoxe, hindou et bouddhiste. Tous ont insisté sur les valeurs de fraternité et de paix promues par le sport et les religions.

Si la polémique autour de la cérémonie d’ouverture, qui a suscité une vague de critiques de la part de responsables religieux à travers le monde – dont le Vatican samedi 3 août –, était dans les esprits, seul le pasteur Christian Krieger y a fait mention. Il a « exprimé sa gratitude d’avoir été à l’écoute de l’émotion suscitée et d’avoir une parole pour ceux qui se sont sentis blessés par certaines scènes ».

Le sport n’est pas une nouvelle religion

Tout en expliquant les liens entre religions et sport, Thomas Bach a aussi veillé à mettre en valeur la fonction propre de la spiritualité. « Si la foi et le sport partagent de nombreuses valeurs, ils diffèrent également de manière significative », a-t-il souligné. « Comme la foi, le sport peut nous guider pour mener une vie meilleure et pleine de sens », « faire ressortir ce qu’il y a de meilleur en nous » et « nous enseigne l’importance de vivre en solidarité et en paix avec nos semblables ». Toutefois, « le sport ne peut pas répondre aux questions ultimes sur le sens de notre existence », a affirmé Thomas Bach, comme en écho aux remarques qui assimilent parfois le sport à une nouvelle religion. « Seule la foi peut donner des réponses aux questions vraiment existentielles de la vie, de la mort et du divin. »


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Des paroles fortes qui illustrent la place très concrète accordée par le CIO à la spiritualité, comme partie intégrante de la vie des athlètes. Depuis 1972 en effet, la présence d’un centre multiconfessionnel dans le village olympique est inscrite dans le cahier des charges des Jeux, et permet aux sportifs qui le souhaitent de pouvoir se recueillir et bénéficier de l’accompagnement d’un aumônier. Ainsi, au village olympique des JO de Paris, cinq religions y sont représentées par 160 aumôniers, et de l’avis général, s’y vit une atmosphère de fraternité hors norme. « Avec les aumôniers des autres religions, nous sommes tout le temps ensemble, nous rions, nous déambulons dans le village, témoigne à La Croix Najat Benali. Et on voit le sourire sur le visage des athlètes qui nous regardent passer, et parfois nous demandent des photos. »

Ancienne, cette dimension spirituelle est présente dès la rénovation des Jeux olympiques modernes, en 1896. Le christianisme, de fait, imprègne la culture des restaurateurs de l’événement sportif. Éduqué chez les jésuites, Pierre de Coubertin s’est lié d’amitié avec le dominicain Henri Didon, qui a inspiré la devise des Jeux, « Citius, Altius, Fortius » (« Plus vite, plus haut, plus fort »). « Mais cet adage avait un autre sens à l’époque », précise Dries Vanysacker, historien spécialiste des relations entre Église et sport. « Pour Didon, “plus haut” désignait l’élévation de l’âme. » Dès les premiers Jeux olympiques modernes d’Athènes, en 1896, la présence du christianisme se manifeste par une messe d’ouverture, célébrée par le dominicain Henri Didon.

« Unité de la famille humaine »

Ce 4 août, la rencontre devant Notre-Dame commémore ainsi une autre cérémonie religieuse qui, il y a un siècle, avait ouvert les Jeux olympiques de Paris de 1924 à Notre-Dame, le 5 juillet. Présidée par le cardinal Louis-Ernest Dubois, elle rassemblait déjà des représentants d’autres confessions. Pierre de Coubertin, qui l’avait demandée, semblait vouloir l’élargir à une dimension universelle puisqu’il avait tenu à ce que ce moment ne comporte « rien de ce qui constitue une cérémonie catholique ». Il souhaitait en revanche « de beaux chants, dans un beau cadre, et quelques mots très laïques de bienvenue ». Mais la tradition des cérémonies d’ouverture religieuses « s’est perdue au fil du temps », retrace Dries Vanysacker, qui estime qu’il n’y en a plus vraiment eu après les Jeux de 1924.


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Car les Jeux olympiques se veulent, au fond, un projet universel, au-delà des confessions particulières. Pierre de Coubertin développe même progressivement une forme de religion laïque de l’athlète. Grand amateur de rituels, c’est lui qui conçoit la cérémonie olympique, avec ses gestes et ses symboles immuables, reproduits à chaque Jeux : les anneaux, la cérémonie d’ouverture et de clôture. Aujourd’hui, sur le plan institutionnel, « le CIO ne développe pas de lien particulier avec les religions », indique Jean-Loup Chappelet, spécialiste du mouvement olympique. Porteur d’un projet à vocation universel, rassemblant aujourd’hui 206 pays, le Comité international olympique « ne peut pas se permettre de privilégier une religion par rapport à une autre », rappelle-t-il.

En revanche, les liens sont réguliers avec le Vatican, en tant qu’État. Jean-Paul II et François ont ainsi reçu l’Ordre olympique d’or, et le pape actuel, grand amateur de sport, a reçu plusieurs fois Thomas Bach en audience. « Les Jeux olympiques sont, par nature, porteurs de paix et non de guerre », assurait le pape avant l’ouverture des Jeux de Paris. En octobre 2022, le Saint-Siège avait invité le président du CIO au premier sommet « Église et sport ». Avec trois chefs de dicastères de la Curie, il avait signé un appel commun aux dirigeants du monde affirmant que les Jeux olympiques et paralympiques sont « un symbole d’unité de la famille humaine 


Transmis par le père François.