lundi 18 septembre 2023

Le message du Père François

 Évangile de Jésus-Christ selon saint  Matthieu 20, 1-16

 

« En ce temps-là, Jésus disait cette parabole à ses disciples : « Le royaume des Cieux est comparable au maître d’un domaine qui sortit dès le matin afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne. Il se mit d’accord avec eux sur le salaire de la journée : un denier, c’est-à-dire une pièce d’argent, et il les envoya à sa vigne. Sorti vers neuf heures, il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans rien faire. Et à ceux-là, il dit : “Allez à ma vigne, vous aussi, et je vous donnerai ce qui est juste.” Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même. Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d’autres qui étaient là et leur dit : “Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ?” Ils lui répondirent : “Parce que personne ne nous a embauchés.” Il leur dit : “Allez à ma vigne, vous aussi.”

« Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : “Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les der­niers pour finir par les premiers.” Ceux qui avaient commencé à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’un denier. Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’un denier. En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine : “Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure, et tu les traites à l’égal de nous, qui avons enduré le poids du jour et la chaleur !” Mais le maître répondit à l’un d’entre eux : “Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, et va-t’en. Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ?”

« C’est ainsi que les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

 

Photo La charretterie
 

 

De prime abord, cette parabole nous met mal à l’aise. Depuis des siècles des femmes et des hommes se sont battus et luttent encore aujourd’hui pour obtenir les droits sociaux dont nous avons la chance de bénéficier encore ! Jésus semble balayer d’un revers de la main tous ces acquis sociaux. Les salariés comme les patrons trouvent ce comportement de Jésus inacceptable, donner autant à ceux qui ont travaillé toute la journée comme à ceux qui n’ont travaillé qu’une heure.

 

Essayons de dépasser nos calculs mesquins : « lui a eu plus que moi », pour mieux comprendre la démarche de Jésus dans cette parabole. Vous avez compris que Jésus parle en image pour ouvrir le cœur de ses disciples à la miséricorde et à l’amour gratuit d’un Père qui nous aime à la « folie ». Nous avons à faire à un Dieu qui ne fait pas de différence entre les hommes. Il sait que parmi ses créatures, il y a des costauds et des faibles, des intellectuels et des manuels, des opportunistes et des naïfs. Bien sûr, ne regarder que sous l’angle de la rentabilité et de l’efficacité, c’est oublier le devenir de l’homme dans la société. Pour exemple, dans une entreprise, les ouvriers ont accepté de travailler 39 heures pour être payés 37h par semaine pour sauver l’entreprise. Deux ans après, ces mêmes ouvriers apprennent que leur entreprise va être vendue. -  Après ce confinement, on apprend chaque semaine des licenciements, des fermetures, alors qu’on nous bassine avec la baisse de chômage. La confiance devrait être le ciment du vivre ensemble : travailleurs et patrons. Combien de jeunes et d’ainés sont en recherche d’un emploi pour gagner un juste salaire. Il en va de la dignité de la personne.

 

Au fait, de quel salaire Jésus parle-t-il dans cette parabole ? Certainement pas d’un salaire matériel, Jésus n’est pas un gestionnaire. Par l’enseignement de cette parabole, Jésus met en évidence deux façons de faire : celle des hommes et celle de Dieu. Le monde des hommes avec leurs règles, leur justice et leurs valeurs. Nous voyons que dans ce monde des hommes, la loi de l’économie mondiale est sans pitié, on délocalise, on robotise, on spécule, on trafique…Le but de ce monde humain est la réussite, de gagner et d’accumuler, et on oublie l’Homme.  

 

Or Jésus veut promouvoir la relation fondée sur le don et la gratuité. Dans cette parabole le contrat est respecté, chacun reçoit son dû et personne n’est lésé. Jésus ne compte pas, il comble, il va au-delà du mérite, il abonde dans l’excès. Quand on aime, on ne compte pas ! C’est la relation de l’Amour, l’amour n’est jamais raisonnable, inexplicable. Dans l’amour rien n’est mérité, on ne donne pas pour ce que l’on a fait mais pour ce que l’on est. St Augustin disait : « Aime et fais ce que tu veux ». Ce qui veut dire que l’amour dépasse toutes les lois et les règlements. L’amour est libre, tellement libre qu’il est sans limite, même nos fautes ne peuvent lui faire obstacle, dans la mesure où je reconnais mes limites, mes faiblesses bien sûr.

Tel est l’Amour de Dieu pour chacun de nous – tel est l’Amour qu’il nous invite à mettre en pratique dans nos vies. « Il n’y a pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » Ainsi, nous sommes invités à travailler sans cesse la qualité de nos relations humaines, pour leur donner un goût de surprise et de générosité inventive.


François, prêtre retraité