mardi 23 mars 2021

Douce France par Guillaume. de Fonclare



On a beau dire, nous en avons tous marre de cet épisode pandémique qui n’en finit pas. Plus de bars – même si je ne suis pas de ceux qui y courent –, plus de restaurants – eh oui, pas de restaurants –, une journée masquée et un couvre-feu – vous avez bien lu, nous avons le couvre-feu – pour tout horizon, ce n’est pas une vie. 

Mes semaines sont à l’image des vôtres, ponctuées des annonces gouvernementales qui rythment notre existence, et qui enserrent ou desserrent en fonction des soubresauts coronaviriens, l’étau de la privation de nos libertés. Nous ne disons rien, pour la plupart, conscients qu’ils, ceux qui décident, font ce qu’ils peuvent. Oh certes, d’aucuns crient au complot, à l’assassinat liberticide, et dénoncent des mesures qu’ils imaginent être le fruit d’une vaste conjuration internationale pour nous asservir. Je n’en suis pas, et j’irais presque jusqu’à en sourire s’il n’y avait ce nombre effrayant, ces 90 000 morts en France en l’espace d’une année, qui me ramènent à l’essentiel, survivre.Il y a un siècle, la grippe espagnole tuait à tour de bras. On estime qu’elle fit plus de vingt millions de disparus au niveau mondial, et on n’est peut-être pas loin du double si l’on considère qu’à l’époque, compter les morts n’était pas la priorité. 

Avec un peu de recul historique, les événements d’aujourd’hui prennent une autre coloration, mais tout de même. Nous en sommes, si mes relevés sont exacts, à plus de deux millions sept cent mille morts recensés dans le monde depuis le début de la pandémie. Ce n’est pas la grippe espagnole, mais ça fait froid dans le dos. Deux millions sept cent mille familles endeuillées, deux millions sept cent mille destins brisés, en l’espace d’une année. Et ces satanés vaccins que l’on peine à produire et à administrer. Dans combien de temps allons-nous enfin en sortir ?

Mes proches ont été touchées, des amis, des connaissances, partout, le Covid-19 a frappé, sans que ce ne soit jamais dramatique. J’en suis infiniment soulagé, même si je continue à craindre pour moi-même, moi dont la santé chancelante m’a causé bien du souci. J’espère le vaccin, donc, pour pouvoir reprendre une vie un tantinet normale, sortir un peu plus, et me dégager l’esprit de ces règles contraignantes de distanciation physique. Je ne ferai pas de folie, je le jure, mais par pitié, vaccinez-moi. Pfizer, Moderna, AstraZeneca, Johnson & Johnson, peu me chaut. Une piqûre pour mon bras, deux s’il le faut, et nous en aurons terminé. Au diable les effets secondaires ; je préfère quelques embarras mineurs à cette période hallucinante et liberticide.

D’où vient la bête ? De cette Chine à qui nous avons tant sous-traité. Aujourd’hui, nous ne produisons plus rien, nous privilégions de faire faire là où c’est moins cher, dans la lointaine Asie qui est devenue l’usine du monde. Je ne sais pas où sont produits nos vaccins, mais je doute qu’il y ait, sur notre territoire national, un lieu où l’on élabore le fameux antidote. J’imagine qu’on sous-traite là où c’est le moins coûteux, là où sont les capacités de fabrication. Je n’en fais pas une fin en soi, mais il me semble tout de même que fabriquer ce genre de choses chez nous ne serait pas du luxe. N’est-ce pas une activité stratégique ? Mais avons-nous encore la possibilité de faire de la stratégie, en ces temps de mondialisation galopante ? Tout est interconnecté, la planète est une vaste usine où celui qui est capable de produire à moindre coût emporte les marchés et multiplie les commandes. Nous, nous sommes trop chers avec nos salaires mirobolants, nos charges sociales et notre État providence qu’il faut financer. Et pourtant, il nous préserve, nous garantit la gratuité des soins, des vaccins, des tests, et reste l’un des systèmes les plus protecteurs au monde.

La pandémie a cela de positif que nous pouvons mesurer la chance qui est la nôtre de demeurer en France, pays dont le système de santé, même s’il a bien des tares et des inconvénients, permet à chacun de vivre sans trop se poser de questions sur sa couverture sociale. Il y a certes ces 90 000 disparus, qui sont autant de déchirures individuelles et collectives. Reste cette organisation qui fait l’admiration de nos voisins. Nous pouvons regarder vers demain sans trop nous inquiéter de savoir de quoi il sera fait, en respectant les règles prophylactiques. Oui, en ces temps de pandémie, savourons donc cette chance insigne d’être français, sans égoïsme, mais en conscience. Il est peut-être temps de relever la tête, avant de sourire un peu.


Guillaume de Fonclare, écrivain et chroniqueur, est membre du conseil d'administration de l'association "Bâtir la paix" et de celui de l'association "Ecriture & Spiritualité" depuis début 2021.