Durant la dernière guerre, des habitants du Bitcherland ont été évacués, expulsés, spoliés, réfugiés et sinistrés dans leur propre pays.
Le 1er septembre 1939, tous les habitants des villages mosellans, situés dans la zone rouge le long de la frontière ont été évacués soit en Charente, soit en Vienne. La plupart vont rentrer en 1940 et certains vont emménager dans leur maison. A partir du 11 novembre 1940 environ 9 000 habitants de 18 communes du Bitcherland seront expulsés dans la partie francophone de la Moselle par les militaires allemands pour pouvoir agrandir le camp de Bitche et pour remplacer les francophones qui ont été expulsés dans le sud de la France.
Pourquoi ces différentes expulsions?
Dans sa lettre en date du 27 décembre 1917 adressée au chancelier, Hindenburg préconise un régime constitutionnel à donner à l’Alsace-Lorraine dans l’avenir. Il propose la colonisation allemande dans les arrondissements de Sarrebourg, Châteaux Salins, Metz-Campagne, Thionville. Ce qui n’avait pas pu être réalisé en 1918 suite à la défaite de l’Allemagne, sera mis en exécution après la signature de l’armistice du 22 juin 1940. Les quatre expulsions de 1940 débuteront en juillet 1940 et se termineront en novembre 1940.
Josef Bürkel, Gauleiter, doit germaniser la Moselle dans un délai de 10 ans. Ainsi la germanisation est immédiate, systématique et brutale. L’allemand devient langue officielle par ordonnance du 24 juillet 1940. A partir du mois d’août, les avis d’expulsion sont très nombreux. Les expulsés ont le droit d’emporter 2 000 F et 50 kg de bagage par adulte et 1 000 F et 30 kg de bagage par enfant.
D’abord évacués, puis expulsés
L’article 16 de l’armistice signé le 22 juin 1940 oblige l’Etat français à rapatrier les 227 000 Mosellans, issus de 224 communes et évacués début septembre 1939 en Charente, en Vienne et dans le Nord. Il en est de même pour les 82 000 évacués de mai 1940. Sur les 309 000 évacués, 70 000 décident de rester en France. Ceux qui rentrent sont triés à Saint Dizier, et 23 953 personnes sont refoulées, car les Allemands ont des renseignements précis.
Le 10 novembre 1940 des affiches en français et en allemand expliquent les raisons de ce départ:
« Lorrains!, Vous connaissez tous la tâche que le Führer m’a confiée. Cette province devra être vraiment allemande à tout jamais… De même que le Reich a rapatrié ses Allemands, de même la France va rapatrier ceux qui se sont confessés Français… »
L’expulsion des francophones a été effectuée entre le 11 et le 21 novembre 1940. Elle concerne 57 655 Mosellans, dont la plupart sont des Mosellans francophones résidant au sud d’une ligne Thionville-Sarrebourg et la ville de Metz ainsi que dans la région de Château-Salins, Boulay et Sarrebourg. Les fermes ont été occupées et gérées par des Allemands et environ 652 familles mosellanes, soit 9 140 habitants du Bitcherland, issus des 18 communes rattachées au grand camp militaire de Bitche camp. Ces derniers ont été expulsés et expropriés et sont devenus des colons (Siedler) comme les Allemands.
L’expulsion et la spoliation
L’expulsion des habitants des 18 communes du Bitcherland a débuté le 11 novembre et s’est terminée le 21 novembre 1940. Cela concerne les habitants de Hanviller, Haspelschiedt, Liederschiedt, Roppeviller, Schorbach, Bousseviller, Breidenbach, Epping, Hottviller, Lengelsheim, Loutzviller, Nousseviller, Ormersviller , Rolbing, Schweyen, Volmunster, Waldhouse et Walschbronn et de plusieurs écarts. A Ormersviller la famille Vogel a pu rester dans sa maison, car les membres de la famille ont dû encadrer les prisonniers russes travaillant sur la ferme d’Etat qui exploitait les terres du ban du village. Elle a été obligée de signer un bail et de payer un loyer à l’armée.
Retour des expulsés
Les baraquements dans la rue Emile Gentil à Volmunster. De nombreuses familles sinistrées ont habité dans les baraquements durant huit ans, car les plupart des villages ont été détruits à 85 %
Le retour des habitants se fera à partir du mois de juin 1945 pour ceux dont les maisons sont habitables et en 1946 pour ceux qui vont habiter dans des baraquements. Ceux qui sont restés en Charente sont revenus au mois de mai 1946. Tout le monde recommence à zéro. Des bovins et des chevaux sont livrés aux paysans qu’ils vont chercher aux différentes gares. Les prisonniers allemands ont été chargés de déminer les champs et d’aider ensuite les paysans. Ils ont été libérés en 1948. Les maires sont nommés. Les élections municipales ont été organisées en juin 1947. Les écoles élémentaires ont seulement pu fonctionner correctement qu’à partir du 1er octobre 1946. Le téléphone est revenu en été 1946 et l’électricité fin 1946 et en 1947. Dans la plupart des villages, il faut d’abord raser les maisons détruites. On reconstruit en priorité les fermes, puis les maisons d’habitation et on termine avec la voirie, les écoles et les églises. La reconstruction s’est terminée en 1960, 15 ans après la fin de la guerre.
Ces expulsions manu militari des francophones et des habitants du Bitcherland ont beaucoup traumatisé les familles mosellanes concernées.
Joseph Antoine Sprunck