samedi 5 août 2017

L'histoire de l'Alsace -Moselle . de 1870 à 1945

Synthèse sur la conférence du Professeur Jean-Laurent Vonau au congrès de Orphelins de Guerre à Strasbourg 
-o-o-o-o-o-
PREMIÈRE ET DEUXIÈME GUERRE MONDIALE

-o-o-o-o-o- 

L’histoire de l’Alsace-Moselle de 1870 à 1945
------------------
Durant cette période, l’Alsace-Moselle a changé cinq fois de nationalité. Elle a été successivement  annexée à l’Allemagne ou rattachée à la France. A chaque fois c’est un drame humain qui se joue au niveau des provinces perdues ou gagnées.
    
La première annexion à l’Allemagne de 1871
    
Rappel sur le conflit de 1870-71, L’Alsace et la Moselle ne constituent pas la cause du conflit.     
Origine : La candidature du  Prince catholique allemand de Hohenzollern-Sigmaringen sur le trône de « Toutes les Espagnes »  Napoléon III exige le retrait de cette candidature. Le 1ier Ministre prussien Bismarck modifie les termes de la dépêche d’Ems, annonçant le retrait de cette candidature, pour qu’elle apparaisse insultante vis-à-vis de Napoléon III.
Pour les militaires allemands la Moselle avec la place forte de Metz de premier ordre et l’Alsace, avec pour limite naturelle les Vosges, facilite la défense de l’Allemagne. L’Assemblée Nationale française est réfugiée à Bordeaux. Les députés d’Alsace Moselle dont Gambetta affirment solennellement par la « Protestation de Bordeaux » : « leur volonté et le droit de rester Français ».
Les Députés votent la cession de l’Alsace Moselle par 570 voix pour et 140 contre et entérinent la victoire des militaires prussiens. En Alsace Moselle ce vote est perçu comme un abandon de la France.
Les habitants peuvent opter pour la France en quittant et abandonnant leurs biens : Sur 150.000 « optants » à l’origine,  50.000 Alsaciens quittent effectivement leur domicile.
Durant la période de 1870 à 1918 apparaît une tendance à un autonomisme pro-français : Identité régionale Alsacienne pour éviter d’être entièrement Germanisé.
   
  
La deuxième annexion de 1940
    
Encore une fois, l’Alsace et la Moselle ne constituent pas la cause du conflit.    
L’Allemagne envahit la France en six semaines. Le 20 juin 40 Hitler nomme Robert Wagner, son compagnon de toutes les aventures, Gauleiter d’Alsace (1). Il s’agit d’une annexion de fait puisqu’il n’y a pas encore eu la signature d’un traité de paix. Wagner a en charge la nazification de l’Alsace et doit faire devenir les Alsaciens des Allemands en 10 ans en essayant de « laver les cerveaux »  des plus réfractaires.
  
Il va faire du zèle et accélérer ce processus de nazification en moins de 5 ans. En particulier il exige l’incorporation des Alsaciens dans la Wehrmacht et dans les Waffen-SS ce qui est contraire même à l’avis d’Hitler qui finira par céder: - Le 25 Août 1942 Incorporation de force dans la Wehrmacht – Incorporation de force de la Classe 26 (2) dans les  Waffen-SS (8.000 jeunes hommes de 16ans et demie et 17 ans).
   
Nazification de l’Alsace (suite) : Wagner installe le système d’administration allemande dans l’ Alsace. Toutes les autorités françaises ont quitté l’Alsace et la Moselle en mai-juin 40 : Administration des Préfets, Justice, Gendarmerie et Police.  Il exerce un pouvoir dictatorial. Il expulse 10.000 Alsaciens et 1.800 Juifs. A partir de 42, il « transplante dans des camps spéciaux » en Silésie, Pologne ou Ukraine, les familles qui jusqu’alors pouvaient faire l’objet d’expulsion.
   
  
        
Le rattachement à la France de 1918      
      
En 1911 l’Alsace-Moselle a obtenu une constitution comportant certaine autonomie avec un parlement local qui aurait pu déboucher sur une autonomie complète de la région vers les années 20. 
En 1914, encore une fois, l’Alsace et la Moselle ne constituent pas la cause du conflit.
Cependant dès 1915 la presse française lance une véritable campagne pour revendiquer les territoires de l’Alsace et de la Moselle en cas de victoire.
   
Février 1915 - La Conférence d’Alsace-Lorraine est créée où une trentaine de personnalités siègent pour penser organiser les conditions du retour à la Nation française : Comment définir les règles particulières concernant l’organisation future de l’Alsace dans le domaine religieux, social, économique et territorial.
      
L’idée d’un plébiscite commence à apparaître. A cette époque la jeune génération des Alsaciens parle l’allemand. Sauf les personnes âgées, la bourgeoisie aisée parle le français.
En 1918 après l’armistice, l’armée française occupe la région jusqu’au Rhin. L’armée française est accueillie de façon extraordinaire : Enfin la paix, enfin du pain blanc qui succède à la famine ! C’est « l’éblouissement tricolore ».
    
  
L’ idée du plébiscite sera reprise par les Américains lors des négociations de paix de 1918 car il veulent que la paix soit fondée sur des critères de stabilité, invoquant en quelque sorte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes : Auto-détermination de la population.
La France n’en veut pas et l’Allemagne non plus. La France n’est pas sûre du résultat. L’Allemagne se méfie des Alsaciens qui sont parfois « soviétisés ».
   
A la table des vainqueurs, la France fera valoir que l’accueil extraordinairement enthousiaste des armées françaises par les Alsaciens et Mosellans équivaut à un Plébiscite. 
               
1918 - Le tri de la population est effectué sur proposition de Poincaré à partir de novembre
     
1) Tous les fonctionnaires allemands sont mis à la porte.
  
2) Les Alsaciens Lorrains sont « classés sur la base du sang » et reçoivent différentes cartes d’identité :
Carte de type A - (barrée de tricolore) : Alsaciens ou Lorrains dont les parents et les grand-parents sont nés en terre française avant 1871.
Carte de type B - (barrée de deux traits rouges) : dont un membre de la famille n’est ni Alsacien, ni Lorrain, ni Français de l’intérieur.
Carte de type C - (barrée de deux traits bleus) : dont les deux branches de la famille proviennent de pays alliés à la France ou restés neutres durant la guerre 14-18
Carte de type D - (sans barre de couleur) : Attribuée aux étrangers de pays ennemis durant la guerre 14-18, soient 111.000 personnes qui ont été chassés d’Alsace-Moselle en février-mars 1919. 
    
Ce tri s’est fait sur la base du sang alors qu’ailleurs en France la nationalité est fondée sur la base du territoire.  
    
1922 - 1924, le malaise alsacien        
La loi Combes sur la laïcité dérange, les Alsaciens et Mosellans sont attachés au Concordat de 1801 qui est toujours en vigueur.  L’Alsace-Moselle est administrée par des Commissaires de la République qui abusent de leurs pouvoirs plus étendus que ceux d’un Préfet. Un nouvel autonomisme naît.   
    
1924, Loi d’introduction du droit local
La France maintient les garanties accordées par les Prussiens en 1870. Ce droit local est toujours en vigueur aujourd’hui.
    
Le retour  à la légalité républicaine française en 1945
     
C’est la fin de l’oppression allemande, les Alsaciens sont restés de nationalité française. Le gouvernement de Vichy n’a jamais reconnu la cession du territoire, ni bien entendu la France Libre.
Les Allemands ont traité les Alsaciens comme faisant partie de la mouvance de la nation allemande mais restant des citoyens en devenir à condition qu’ils acceptent l’incorporation de force prônée par Wagner, comme Bismarck 70 ans plus tôt, par le fer et par le sang.
Les incorporés de force étaient aussi des Luxembourgeois, une partie des Belges, les Polonais de Silésie, les Allemands de Hongrie (environ 477 000 parlant allemand en Hongrie).
L’Alsace au printemps 45 redevient une province française dans la situation qui était la sienne en mai 40. Mais ce retour ne peut s’effectuer d’un trait de plume.
Il y aura une épuration : Elle est difficile à mettre en œuvre. Sous l’occupation de Wagner la neutralité n’était pas de mise. Les Alsaciens ont du montrer qu’ils étaient de « bons allemands » sinon ils étaient envoyés à Dachau ou dans les « camps de transplantation ».
L’alsace est la région en France où il y eu le plus d’arrestations. Il y eu 20.000 arrestations de sûreté en Alsace sur dénonciation par les FFI, évitant ainsi les exécutions sommaires, environ 50 dans le Bas-Rhin.
L’Alsace-Moselle est la région de France où il y eu le plus d’arrestations : les 2/3 des arrestations en France. En France on estime à environ 12.000 le nombre d’exécutions sommaires à la Libération.
   
Conclusion
    
L’Alsace-Moselle n’a jamais fait l’objet de revendications territoriales.
Les changements de souveraineté subis par l’Alsace-Moselle n’ont jamais respecté les droits de la population : On n’a jamais permis à la population d’exprimer ses revendications.
Les Alsaciens et Mosellans n’ont pas obtenu la double nationalité à laquelle d’autres populations ont pu bénéficier.
La tendance vers une « certaine neutralité » est apparue dans l’entre-deux-guerres. En 1936 tous les députés de l’Alsace se déclaraient autonomistes quelle que soit leur place sur l’échiquier politique. Après 45 l’autonomisme a complètement disparu car il avait été exploité de 40 à 45 par l’occupant.  
Ballottée entre la France et l’Allemagne, la population s’est réfugiée dans le régionalisme qui est le creuset de l’identité régionale. Le « parler Alsacien » s’est développé pour échapper aux contraintes de l’occupant allemand.
  
     
 Jacques Monbeig-Andrieu 
      


(1) Le Gauleiter  Robert Wagner administrait les régions de Bade et d’Alsace. Le Gauleiter était le chef  du parti nazi de la région. En fait  il était le seul chef du « Gau », ici l’Alsace et au Pays de Bade. Wagner sera jugé, condamné à mort le 3 mai 46 par le tribunal de Strasbourg et exécuté le 14 Août 1946. 
(2) Classe 26 : concerne les hommes qui sont nés en 1926.