mercredi 14 juin 2017

Le message du Père François

Évangile de Jésus Christ selon St Jean 6 51–58

« En ce temps-là, Jésus disait aux foules des Juifs : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? » Jésus leur dit alors : «Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui.
« De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi. Tel est le pain qui est descendu du ciel : il n’est pas comme celui que les pères ont mangé. Eux, ils sont morts ; celui qui mange ce pain vivra éternellement. »

DR
Charly-Oradour, village mosellan, vient de faire mémoire du 10 juin 1944 à Oradour sur Glane. 642 personnes ont perdu leur vie dans ce massacre. Parmi eux figuraient 44 habitants de Charly, expulsés de leur village, comme beaucoup d’autres. Des paroles fortes ont été prononcées au mémorial : « Aimer, c’est quand on s’entraide et qu’on quitte la peur ensemble…Il existe un engrenage de la violence, mais il existe aussi un engrenage de l’amour…il suffit de s’aimer et ça fait boule de neige... c’est vous les semeurs de graines d’amour. La terre reverdira de vos actions et l’aurore s’habillera de vos pensées. » 
En évoquant ce drame, il nous est permis de faire un lien concret avec le mémorial, que Jésus nous a laissé la veille de sa mort : « Prenez et mangez, ceci est mon corps. Prenez et buvez, ceci est mon sang. » 
C’est ainsi, qu’on essaye de puiser dans l’histoire des leçons susceptibles de nous aider à mieux vivre le présent et à engager l’avenir dans l’espérance. L’eucharistie se définit comme un mémorial : « Faites ceci en mémoire de moi» ; le mémorial du don que le Christ a fait à toute l’humanité, dans sa mort et sa résurrection.
                Se donner encore, quand on a tout donné ! C’est l’exemple que nous donne Jésus, quand il offre à ses disciples son corps en nourriture et son sang en boisson. A chaque messe en effet, au cœur même de la célébration, le prêtre reprend les paroles de Jésus : « Prenez et mangez ceci est mon corps…Prenez et buvez, ceci est mon sang ». Notre foi nous convainc que Jésus est bien présent au cœur de notre vie. Dès lors, dans toute messe, le mémorial auquel nous sommes conviés, est d’une autre nature que nos commémorations humaines. Celles-ci, fussent-elles particulièrement réussies et suggestives, riches en histoire, ne nous permettront jamais d’entrer vraiment comme acteurs dans le cœur des événements qui sont évoqués. Nous ne pouvons être que des spectateurs de l’évocation du passé. Or, dans l’Eucharistie, il en va tout autrement. Jésus est là, bien présent parmi nous. Il nous invite à communier pleinement à son offrande, à son action de grâces, à ses sentiments, ceux mêmes qui l’animaient le jeudi et le vendredi, quand il a été trahi, renié, arrêté et exécuté.
L’Eucharistie n’est pas un spectacle. A aucun moment Jésus n’a demandé à ses apôtres de faire de ce mémorial un acte d’adoration, encore moins de procession. C’est un acte d’amour : Jésus  se donne à nous gratuitement. A ses  disciples et à tous ceux qui veulent le rejoindre, il confie une responsabilité au cœur de l’actualité de ce monde. Nos vies, nos souffrances, nos luttes humaines, nos responsabilités, nos joies, notre travail, nos peines, Jésus nous invite à les assumer librement comme lui. Pour ce faire, il nous dit : « Prenez et mangez ». Ça veut dire, nourrissez-vous de ma vie pour sortir de vous-mêmes et de vos habitudes. Il importe de rejoindre ceux qui doutent, qui attendent et qui cherchent  une présence aimante à la manière de Celui qui s’est livré pour nous. 
Il faut réapprendre à nous donner librement, quoi qu’il arrive. Recevoir dans la communion la grâce de la liberté des enfants de Dieu, mais aussi : donner le meilleur de nous-mêmes dans les petites choses de la vie comme dans les plus grands engagements de l’existence. Il faut se réapproprier le chapitre 25 de St Matthieu : « Ce que tu auras fait à ton frère, c’est à moi que tu l’auras fait ». Il reste tant et tant à faire pour que tous les hommes puissent se nourrir et grandir dans la dignité. Que la Paix et la Liberté ne soient plus réduites à des mots sans lendemain, mais deviennent effectives pour l’ensemble de l’humanité.  
 Avec toutes les démobilisations actuelles, dans tous les domaines de la  vie politique, de la vie religieuse, de la vie associative….on risque de s’enfermer dans des habitudes qui fabriquent un désert sans vie. C’est sans intérêt et personne n’en veut ! 
« On râle, mais on ne s’investit pas » Ca veut dire, que l’avenir se fera sans nous et peut être même contre nous. Il en va de même pour notre pratique religieuse. L’histoire des croyants nous a laissé de très beaux édifices pour célébrer l’Eucharistie. Mais aujourd’hui un certain nombre sont désaffectés et la plupart ne servent que rarement. On est arrivé au point, où ne sait plus à quoi ils doivent servir. Or nos ancêtres se sont investis, corps et âme, dans la construction de ces  monuments par souci de rassembler une communauté vivante. L’Eucharistie est le ferment de cette vie nouvelle. Il s’agit de la rencontre de Dieu avec son peuple qui donne force, joie de vivre, ouverture aux autres, soutien des plus fragiles. Si on veut construire un avenir, il faut redonner vie à ces rencontres. Il importe que la Parole de Dieu rejoigne et transforme l’actualité de nos vies.
                Puissions-nous tous et chacun faire fructifier, ce que l’eucharistie nous donne de vivre ensemble.

François, prêtre retraité