jeudi 26 septembre 2024

La visite du Pape en Belgique et au Luxembourg

 Le pape François va à la rencontre de la Belgique et de l’Église catholique belge, qui a dû repenser sa place dans une société marquée par une sécularisation rapide.     


Photo DR


Bruxelles, Liège et Louvain-la-Neuve (Belgique)

De notre envoyé spécial

Elles sont parties en un temps record. Toutes les places pour participer à la messe célébrée par le pape François, dimanche 29 septembre, au stade Roi-Baudouin à Bruxelles, ont trouvé preneur. Plus de 35 000 personnes sont attendues pour l’événement. Un engouement qui a presque surpris les catholiques belges, heureux de découvrir qu’ils sont toujours capables de déplacer les foules. « Au début, les gens n’y croyaient pas, confirme Arnaud Join-Lambert, professeur de théologie à l’Université catholique de Louvain (UCLouvain). C’est étonnant, on ressent une effervescence et une vraie curiosité médiatique. »

En visite en Belgique, du jeudi 26 au dimanche 29 septembre, le pape va en effet à la rencontre d’une Église qui n’a plus l’habitude d’apparaître en haut de l’affiche, voire qui fait franchement profil bas, surtout en Flandre, encore profondément marquée et atteinte dans sa crédibilité par les révélations de violences sexuelles en son sein. Pourtant, dans ce pays de plus de 11,5 millions d’habitants, et malgré un phénomène de sécularisation aussi puissant que rapide, le catholicisme, même en déclin, demeure une référence. Selon des estimations, citées dans le dernier rapport annuel de l’Église en Belgique, 50 % des Belges se définissent comme catholiques – dont 8,9 % vont à la messe au moins une fois par mois.

Comment expliquer alors la relative réserve qui semble caractériser aujourd’hui l’Église outre-Quiévrain ? Depuis son bureau, la professeure de l’UCLouvain (34 000 étudiants) Catherine Chevalier, qui participe chaque année à l’élaboration du rapport de l’Église en Belgique, donne une clé de compréhension. « L’Église a tendance à se sous-estimer, elle donne l’image d’une excessive modestie. Par exemple, il a fallu attendre 2008 pour que Bruxelles organise les rencontres européennes de Taizé », explique-t-elle. Comme si les catholiques belges devaient toujours se convaincre qu’ils peuvent relever des défis.

D’autant plus qu’ils doivent réinventer leur place dans une société belge où l’influence chrétienne s’est fortement estompée et qui est devenue beaucoup plus multiculturelle, avec en particulier une présence importante de croyants musulmans. Alors qu’en Belgique les cultes reconnus sont financés par l’État, ce système a pu offrir un certain « confort » à une Église qui « n’a pas à lutter pour survivre », estime un très bon connaisseur.

Âgé de 55 ans, Mgr Luc Terlinden, nommé archevêque de Malines-Bruxelles et primat de Belgique en juin 2023, incarne les défis de la nouvelle génération de catholiques. Il est aux premières loges pour accompagner, non sans tiraillement, l’Église en Belgique d’une position dominante à « une conviction parmi d’autres » « Quand j’étais enfant, nous vivions encore dans un monde catholique. On s’inquiétait moins de partager l’Évangile. Depuis, une prise de conscience s’est opérée : notre première mission est d’annoncer et c’est très stimulant. Ne soyons pas dans la nostalgie. » La nostalgie par exemple d’une société où les repères moraux seraient encore alignés avec la doctrine catholique. Car si le catholicisme demeure fort dans l’engagement social, à travers le réseau des écoles catholiques – plus de la moitié des élèves du primaire et du secondaire –, ou encore les mouvements de jeunesse, la parole de l’Église est devenue beaucoup moins audible et écoutée.

À Liège, dans l’est de la Belgique, près des frontières néerlandaise et allemande, le vicaire général Éric de Beukelaer, 60 ans, fait partie de ces quelques prêtres qui n’hésitent pas à intervenir dans les médias dans un style direct, même sur des sujets clivants. « Nous nous exprimons dans le débat public, comme sur l’euthanasie par exemple, mais il faut surtout essayer d’être compris. Nous ne pouvons pas nous taire, mais il y a une façon de parler. Et une fois que les lois passent, que faire ? » Loin d’être résigné et peu inquiet pour l’avenir, l’ancien porte-parole francophone des évêques belges insiste aussi sur le contexte propre à la Belgique, un pays « construit par le compromis ». Une culture qui marque aussi l’Église. « ll est assez peu belge de s’énerver et d’être dans de grandes oppositions », poursuit-il.

Au risque de parfois être perçue comme trop accommodante, ​l’Église en Belgique assume une option préférentielle pour le dialogue avec la société. « Si nous en restons à une position toujours défensive, plaide Mgr Terlinden, nous risquons de passer à côté de l’annonce, notre mission première. » Et si le passage d’un catholicisme sociologique à un catholicisme de convictions ne se fait pas sans heurts et sans fort sentiment de déclin – baisse de plus de 30 % du nombre de prêtres diocésains en cinq ans, moins de séminaristes, forte baisse de la pratique –, un nouveau modèle émerge. Une Église multiculturelle, bien plus modeste, mais qui assume plus ouvertement sa foi. Une Église qui défend également pour ce nouveau départ des réformes dans le cadre du synode : diaconat féminin, possibilité d’ordonner des hommes mariés.

Ce changement de logiciel est notamment porté par les nombreux laïcs qui agissent au sein de l’Église, parfois aux plus hautes responsabilités, et des jeunes de différentes sensibilités. Ainsi, à Bruxelles, à la croisée du quartier européen et du quartier populaire Matonge, une poignée de catholiques âgés de 25 à 35 ans ont ouvert un café associatif chrétien, baptisé le Nomade, dans une salle paroissiale aménagée. « L’idée est de créer un lieu accueillant, convivial, pour concilier nos convictions, notre désir d’engagement politique pour la justice sociale et notre foi chrétienne », résume Manon, 28 ans, qui reconnaît qu’il faut une dose de courage pour s’engager comme chrétien en Belgique. Si ce tiers-lieu, cousin du Dorothy à Paris, n’est pour le moment ouvert que les mercredis en fin de journée, ses animateurs foisonnent d’idées pour le faire vivre.

Non loin de là, près de l’église Sainte-Croix, à Ixelles, exemple de paroisse dynamique, Astrid et Jean Stemler témoignent d’une même audace. Ce couple de Bruxellois, de 33 et 28 ans, très engagé au sein de l’Église, était signataire en 2022 avec 200 jeunes d’une lettre constatant « un décalage entre certaines revendications présentes dans la synthèse (du synode) et la réalité que nous vivons »« Notre génération n’a pas connu le temps où l’Église était encore très forte, expliquent-ils de concert. Dans notre contexte, nous ne pouvons nous permettre d’être en retrait, mais nous devons vivre positivement notre foi, être fiers d’être chrétiens. D’autant qu’autour de nous les gens sont ouverts et témoignent plus de méconnaissance que de rejet. » La hausse des baptêmes d’adultes dans le pays va dans ce sens.

Qu’attendre de la venue du pape François en Belgique ? « Nous espérons qu’il nous confirme dans ce nouvel élan plus missionnaire, espère Jean Stemler, que sa visite puisse participer à changer l’image de l’Église en Belgique. »

Arnaud Bevilacqua

 



Le programme de la visite du pape

https://kiosque.la-croix.com/ccidist-ws/bayard/la_croix/issues/2469/OPS/Public/GI417IV5.1+GBK19EL0.1.jpg?rev=2024-09-25T14:26:44+02:00

Jeudi 26 septembre, le pape se rend d’abord au Luxembourg où il doit arriver à 10 heures. Il rencontrera les autorités du Grand-Duché puis les catholiques à la cathédrale de Luxembourg, avant de rejoindre la Belgique en fin de journée.

Vendredi 27, il rencontrera les autorités belges, dont le roi, avant de se rendre à l’Université catholique de Louvain (KU Leuven), côté néerlandophone. Samedi 28, il échangera avec les étudiants de l’Université catholique de Louvain (à Ottignies-Louvain-la-Neuve), côté francophone. Plus tôt dans la matinée, il aura rencontré l’Église belge, évêques, prêtres, diacres, religieux et acteurs pastoraux dans l’immense basilique du Sacré-Cœur de Koekelberg.

Dimanche 29 septembre, point d’orgue de sa visite en Belgique, il doit célébrer, à 10 heures, la messe au stade Roi-Baudoin de Bruxelles devant plus de 35 000 personnes.


Transmis par le père François