lundi 2 mars 2020

Le message du Père François

Évangile de Jésus Christ selon St Matthieu 4 1–11
« En ce temps-là, Jésus fut conduit au désert par l’Esprit pour être tenté par le diable. Après avoir jeûné quarante jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur s’approcha et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains. » Mais Jésus répondit : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Alors le diable l’emmène à la Ville sainte, le place au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il donnera pour toi des ordres à ses anges, et : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. » Jésus lui déclara : « Il est encore écrit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » Le diable l’emmène encore sur une très haute montagne et lui montre tous les royaumes du monde et leur gloire. Il lui dit : « Tout cela, je te le donnerai, si, tombant à mes pieds, tu te prosternes devant moi. » Alors, Jésus lui dit : « Arrière, Satan ! car il est écrit : C’est le Seigneur ton Dieu que tu adoreras, à lui seul tu rendras un culte. » Alors le diable le quitte. Et voici que des anges s’approchèrent, et ils le servaient. »
Du 26 février au 12 avril 2020, l’Eglise nous propose un temps fort, de quarante jours, pour regarder de près, notre manière de vivre en société, en lien avec les exigences de l’évangile. C’est le temps du CAREME, « CAR AIME ». Les dimanches ne sont pas comptés comme carême, car ils nous rappellent le fondement de notre foi, qui est la résurrection du Christ au matin de Pâques. Tous les ans, l’Eglise mobilise les chrétiens durant un mois et demi de leur existence, pour faire le point sur leur enracinement dans la foi chrétienne. Pour ce faire, il est nécessaire de prendre du recul, de la distance par rapport à nos activités, nos habitudes, nos encombrements habituels. Nous sommes à un tournant important de l’histoire, que ce soit politique, économique, médical, voire religieux. Sans vouloir dramatiser, ni vouloir minimiser le danger que représente actuellement au niveau mondial, ce coronavirus. « Usines fermées, productions en partie gelées, ports à l’arrêt, manque à gagner pour les compagnies aériennes, chute du tourisme. Les places financières mondiales ont quasiment toutes basculé dans le rouge... On compte à ce jour 80 000 contaminés par ce virus dans le monde. » Tellement émerveillés par toutes les possibilités modernes, voilà qu’un virus fait son œuvre de destruction et s’en fiche des frontières.
Mettons à profit ce temps de carême pour vérifier les fondations et le sens à donner à notre vie, à notre santé, à notre épanouissement. En effet, nous sommes embarqués par des événements, des choix, des occupations, au point de nous éloigner de l’essentiel, de perdre des repères et de troquer des valeurs sûres pour des bricoles. Sans s’en rendre compte, on peut remplacer Dieu par des idoles, et nous découvrir subitement : “nus et livrés à la mort”, comme le décrit le livre de la Genèse.


Dans l’évangile de ce jour, Jésus nous invite à débusquer les pièges du faux semblant et des apparences, les pièges du tentateur. Texte étonnant, mais une parole vraie qui nous est adressée, valable aujourd’hui comme hier, une parole qui ouvre le chemin de notre marche vers Pâques, mais non sans peines. Matthieu décrit les trois tentations bien réelles, bien vraies du Christ et qui sont également les nôtres.
1ère tentation : La tentation de la solution de facilité : "Tu as faim, alors... puisque tu es le Fils de Dieu, tu peux bien changer ces pierres en pains pour ta satisfaction personnelle ! Avant de penser aux autres, pense donc à toi ! C’est la tentation de l’égoïsme et surtout de la paresse. On risque d’oublier que le pain est « le fruit du don de Dieu qui nous a donné la terre pour la cultiver. Et fruit du travail de tous les hommes. Le pain se gagne à la sueur du front !
La 2ème tentation, c’est pour Jésus, celle de l’opération qu’on pourrait appeler spectaculaire, sensationnelle : "Jette-toi du haut du temple, et ce geste prouvera une bonne fois pour toutes que tu es le Fils de Dieu, et te vaudra des tas de disciples !" Pour Jésus comme pour nous, c’est la tentation de faire l’économie de la mort : "Ne crains rien, tu peux te jeter dans le vide, tu ne peux pas mourir, si tu es le Fils de Dieu". Eh bien, Jésus résiste à cette tentation. Être Fils de Dieu, ce n’est pas bénéficier de quelques privilèges et échapper à la condition humaine. C’est se situer dans la confiance jusqu’au bout, s’en remettre à Dieu qui a choisi, non pas d’escamoter la mort, mais d’en faire un passage !
La 3ème tentation, c’est celle de l’avoir et du pouvoir : "Pour avoir tous les honneurs et tous les royaumes, tu peux bien consentir à te prosterner devant moi. Ça ne te coûte pas beaucoup ; qu’est-ce que cinq minutes de honte ? N’est-ce pas la tentation de réussir sa vie, en acceptant de s’écraser, de se mettre à plat ventre devant ceux qui peuvent t’accorder quelques faveurs ?". C’est aussi pour nous la tentation de l’orgueil, car la très haute montagne où nous conduit le malin peut être intérieure. C’est par exemple la réussite sociale ou professionnelle, le souci du paraître et de la bonne réputation, pour lequel on se découvre prêt à tous les compromis, à toutes les bassesses ! "Qui s’élève sera abaissé" dit Jésus. En rejetant cette ultime tentation, il nous invite dans ce carême à n’être esclave de rien : ni de notre paresse, ni de l’argent et de la volonté de puissance, ni même du souci de notre réputation.
Au début de ce carême, ayons le courage de reconnaître que ces trois tentations de Jésus sont aussi les nôtres. Dans la prière du "Notre Père", « ne nous laisse pas entrer en tentation » nous demandons au Seigneur : « Aide-nous à ne pas céder à la tentation… à ne pas capituler... aide-nous à résister... apprends-nous à combattre le mal qui souvent nous tente vers la facilité.

François, prêtre retraité