Lundi dernier, après la projection du film « Nos ombres d’Algérie », Joseph Sprunck, appelé de 1961-1963 a témoigné son séjour en Algérie où chacun vivait dans la peur et l’angoisse. A cette séance initiée par Mathieu Felix, bibliothécaire, à la médiathèque de Sarre-Union, ont assisté des élèves, des professeurs et le documentaliste du Collège Pierre Claude ainsi que des spectateurs.
Les enjeux de la mémoire
Dessin, aquarelle, huile toutes les techniques sont représentées pour donner à voir ce que certains ont longtemps tu. A travers le dessin et le point de vue de 9 dessinateurs /dessinatrices, le film "Nos ombres d’Algérie" a embarqué le public pour une exploration de la guerre d’Algérie. Chacun retrace des tranches de vie liées à son histoire familiale : en Algérie ou en métropole.
Témoignage
Joseph Sprunck, 83 ans, a été militaire appelé en Algérie il y a 60 ans. Après une formation très sévère et ardue au 164 ème RI à Verdun où il fallait souvent marcher et crapahuter, il est muté en janvier 1962 en Algérie. Il fera la traversée de la Méditerranée par une grande tempête, les appelés entassés sur des chaises longues dans la cale, n’arrêtent pas de rendre. Arrivé à Bône. Il apprend qu’il est affecté au 151 ème RIM de Guelma en Algérie où ont commencé plusieurs révoltes à partir du 8 mai 1945. Il est affecté à la quatrième compagnie du régiment occupant Kellermann. Au village est accolé un camp de regroupement où des familles vivaient pauvrement dans des mechtas construites avec des branchages et du torchis. Il y a vécu et a assisté au cessez-le feu et le licenciement des harkis. Après deux déménagements, la compagnie occupe Penthièvre où il assiste, reclus dans sa chambre au vote du référendum.
L’Algérie indépendante
C’est surtout à partir de la déclaration de l’Indépendance que la compagnie va au secours des Harkis. Le départ des pieds-noirs s’accentue également en juillet et en août. Puis à Mondovi, ville de naissance d’Albert Camus, la compagnie est chargée de surveiller la ligne Morice, un barrage électrifié sur la frontière tunisienne. A son retour, il est affecté au PC colonel à la Ferme Cheymol. Là les appelés ont été abrités sous une tente surmontée d’un tunnel en métal. Mais le plus dur c’était d’y dormir plusieurs mois sur une lit de camp sans matelas et d’être surtout nourri aux conserves. Beaucoup y ont eu la jaunisse et ont dû être rapatriés.
Le 13 décembre 1962 tout le régiment est rapatrié et rejoint la caserne Serret de Metz.
La réaction de l’auditoire
Pour la directrice de la médiathèque Agnès Hubscher « Joseph Sprunck, appelé du contingent, a été comme beaucoup de jeunes hommes français, projeté dans un conflit dont on a tu le nom jusqu’en 1999 ! Il a vécu la peur qui entraîne des actes violents et revanchards… Le silence dans la salle était à la hauteur de la sidération du public… Joseph Sprunck a, avec émotion et pédagogie, transmis cette expérience de l’armée. Il a dit aux jeunes la chance qu’ils avaient de ne plus avoir à subir cette période militaire. Je suis sûre que cette après-midi sera pour chaque participant un marqueur dans la compréhension de l’Histoire d’hier et de celle qui s’écrit aujourd’hui. »
Texte d' Agnès Hubscher et Mathieu Felix